Dans un arrêt du 13 avril 2016 (n°14-28293), la Cour de cassation a précisé que le préjudice et son évaluation relèvent du pouvoir d’appréciation des juges du fond.
En d’autres termes, c’est au salarié de prouver l’existence du préjudice qu’il évoque. Cependant, la Cour a fait plusieurs exceptions en appliquant la théorie du préjudice nécessaire, offrant une réparation dès qu’un manquement est constaté.
Toutefois, dans quatre arrêts du 11 mars 2025, la Cour a refusé cette théorie et exigé que le salarié prouve son préjudice.
- Le premier arrêt (n°21-23557) traite du manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical pour un travailleur de nuit.
- Le second arrêt (n°23-19669) concerne un salarié en forfait jours, soumis à un accord collectif qui ne garantissait pas un contrôle raisonnable de la charge et de l’amplitude du travail.
- Le troisième arrêt (n°24-10452) porte sur un manquement de l’employeur à ses obligations en matière de suivi de la charge de travail d’un salarié en forfait jours.
- Le quatrième arrêt (n°23-16415) concerne l’incapacité de l’employeur à permettre au salarié de prendre ses congés payés.
Dans chacune de ces affaires, la Cour souligne que le simple manquement de l’employeur ne justifie pas une réparation automatique. Le salarié doit prouver qu’il a subi un préjudice pour obtenir compensation.
Cela soulève une question : comment la Cour analyse-t-elle le préjudice nécessaire ?
Lorsque des directives européennes sont concernées et qu’aucune sanction alternative n’existe, la reconnaissance d’un préjudice nécessaire est requise. Sinon, certaines violations pourraient ne pas être sanctionnées.
La Cour de justice de l’Union européenne a déjà statué sur le suivi médical des travailleurs de nuit (CJCE, juin 2024, aff. 367/23, Artemis Security). Elle a estimé que des amendes prévues en cas de manquement à la directive 2003/88 garantissaient le droit à l’évaluation de la santé des travailleurs de nuit. Dès lors, il n’était pas nécessaire de reconnaître un préjudice systématique.
De même, lorsqu’un salarié est soumis à une convention de forfait jours qui ne garantit pas une charge de travail raisonnable, la convention devient nulle. Le salarié peut alors demander des heures supplémentaires, que le juge doit vérifier.
Enfin, en cas de manquement de l’employeur à ses obligations concernant les congés payés, ces derniers sont soit reportés, soit convertis en indemnité compensatrice si le contrat est rompu.
En conclusion, c’est la présence de sanctions alternatives, comme les amendes ou le paiement des heures supplémentaires, qui justifie le rejet de la théorie du préjudice nécessaire. Le salarié doit donc prouver qu’il a subi un préjudice pour obtenir réparation.